• LA GENESE DE LA CRISE IVOIRIENNE

    Crise politico-militaire en Côte d'Ivoire

    Guerre civile de Côte d'Ivoire

    La crise politico-militaire en Côte d'Ivoire commence le 19 septembre 2002, un début de solution se profile le 24 janvier 2003 avec la signature de l’Accord de Linas-Marcoussis. Cependant, une brusque crispation en novembre 2004 remet en cause toutes les avancées obtenues. Une promesse de règlement final se dessine enfin avec la signature de l’Accord politique de Ouagadougou le 4 mars 2007, avant d'être remis en cause à l'occasion de l'élection présidentielle ivoirienne de 2010.

    Le 19 septembre 2002, des soldats rebelles venus du Burkina Faso tentent de prendre le contrôle des villes d'AbidjanBouaké et Korhogo. Ils échouent dans leur tentative de prendre Abidjan mais parviennent à occuper les deux autres villes, respectivement dans le centre et le nord du pays.

    La rébellion qui prendra plus tard le nom de « Forces Nouvelles » occupe progressivement la moitié nord du pays, le coupant ainsi en deux zones géographiques distinctes : le sud tenu par les Forces Armées Nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) et le nord tenu par les Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN).


    Trois grandes composantes armées sont en présence sur le territoire ivoirien :

    Forces en présence

    • Les forces de l'État de Côte d'Ivoire :
    • Les forces rebelles :
      • les Forces armées des forces nouvelles (FAFN), qui sont les forces de la rébellion, tiennent 60 % du pays, avec environ 7 000 hommes armés1 (chiffre variable, en fonction des va-et-vient d'une partie de ces hommes avec le Libéria) constituées et équipées pour l'essentiel depuis le début de la crise en 2002.
      • elles sont renforcées par des supplétifs ivoiriens et probablement non ivoiriens dont de nombreux chasseurs traditionnels (Dozo).
    • Les forces de maintien de la paix :

    L'État bénéficie de l'appui des Jeunes patriotes, groupe nationaliste accusé de violences contre des ressortissants français, après l'assassinat présumé de 67 civils ivoiriens par les Forces françaises Licorne. Issu, comme Soro Guillaune, de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI), Charles Blé Goudé, le chef des « Jeunes patriotes » est acquis à la politique du président Laurent Gbagbo.

    Origine du conflit

    Le règne de Félix Houphouët-Boigny

    Sous la présidence de Félix Houphouët-Boigny (de 1960 jusqu'à sa mort en 1993), la Côte d'Ivoire est un pays très bien intégré dans le commerce mondial. Les principales recettes de l'État viennent de l'exportation de matières premières produites dans la zone forestière, notamment le cacao (dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial), le café et le coton mais également le gaz naturel.

    Ce commerce extérieur a permis au pays de se développer et aux citoyens d'avoir un bon niveau de vie. Ce « paradis » économique et social, dans une Afrique pauvre, attire de nombreux immigrants des pays voisins. C'est ainsi que, notamment, les Burkinabè et Guinéens furent nombreux à s'établir dans la zone forestière au sud du pays. D'abord comme ouvriers sur les chantiers forestiers, dans les usines et villes de la côte, dans les plantations industrielles et individuelles, ils sont devenus par la suite producteurs agricoles pour certains.

    Vers la fin du règne d'Houphoët-Boigny, dans les années 1990, la Côte d'ivoire connut des soubresauts liés à la transition du régime de parti unique à un régime multipartisan. À sa mort, le pays entra dans une crise multiforme. Ses successeurs n'avaient pas son aura et ils ne surent faire face ni aux difficultés économiques dues pour une grande part à la dégradation des termes de l'échange entre pays du tiers monde et pays développés, ni aux difficultés politiques.

    Le concept d'ivoirité et son application politique

    Article détaillé : Ivoirité.

    Le 8 décembre 1994, une révision du Code électoral impose aux candidats à la présidence de prouver leur ascendance ivoirienne, garante de leur citoyenneté, alors que pendant la période Houphouët-Boigny, les cartes d’identité leur avaient été largement distribuées3.

    Le 26 août 1995Henri Konan Bédié, alors président depuis la mort d'Houphouët-Boigny, réintroduit le concept d'ivoirité. Selon lui, ce concept permet à la Côte d'Ivoire de mieux préserver son identité. Cela lui permet également d'évincer son principal rival, Alassane Ouattara originaire du nord dont les parents sont ivoiriens. Mais le fait d'avoir poursuivi ses études au Burkina Faso et d'avoir été envoyé occuper de hautes fonctions sous la houlette Burkinabé ont permis son rejet.

    Groupes ethniques de Côte d'Ivoire.

    Ce rejet d'Alassane Ouattara s'appuyait sur le rejet ancien du dioula, l'homme du Nord pour les Ivoiriens de la côte et du centre. À une différence ethnique s'ajoute en effet une différence dereligion : les Ivoiriens du Nord, majoritairement musulmans, sont soupçonnés de ne pas être Ivoiriens et sont donc rejetés par les Ivoiriens du Sud, majoritairement chrétiens. Les populations du Nord et du centre, notamment les Malinkés, ont des patronymes identiques à ceux des immigrés de même ethnie provenant des pays voisins. Ceux qui sont dans cette situation subissent toutes sortes d'injustices. Certains voient leurs pièces d'identité détruites par les forces de l'ordre. Ils n'obtiennent plus de carte d'identité, de passeport et ne peuvent ni avoir de certificat de nationalité ni voter. Bien que certains Ivoiriens du Sud (notamment les Akans) possèdent aussi des patronymes identiques à certains peuples immigrés (GhanaTogo et Libéria), ils ne subissent pas le même sort.

    L'apparition du concept d'ivoirité s'explique essentiellement par la crise économique que connaît la Côte d'Ivoire depuis le milieu des années 1980. En effet, cette réaction xénophobe est apparue lorsque l'économie de ce pays a cessé de créer massivement des emplois. Cette situation n'a pas sensiblement réduit les flux migratoires provenant des pays musulmans pauvres et surpeuplés duSahel. Le but de l'ivoirité semble être avant tout d'empêcher les populations étrangères, qui peuvent rentrer dans ce pays sans visa, de participer à la compétition pour le pouvoir politique et d'accéder aux emplois de la fonction publique. En effet, les étrangers représentaient 26 % de la population en 1998.


    Coup d'État militaire

    Le 22 octobre 1995, contre un seul candidat (les autres candidats sont refusés par la Cour suprêmeou ont boycotté l'élection), Henri Konan Bédié est élu président de la Côte d'Ivoire avec 96,44 % des voix. Fort de ce succès, il effectue en 1998 une réforme de la propriété foncière avec l'appui de tous les partis politiques, y compris celui d'Alassane Ouattara. Avec cette réforme, seuls les Ivoiriens de souche peuvent détenir des terres.

    Le 24 décembre 1999, Henri Konan Bédié est renversé par l'armée, non pas à cause du concept d'ivoirité mais pour une réforme de la Constitution qui lui aurait permis de se présenter jusqu'à l'âge de 75 ans. Le concept d'ivoirité disparaît mais la tentation xénophobe persiste.

    Le général Robert Guéï est placé au pouvoir jusqu'à la tenue de nouvelles élections, l'ivoirité reste utilisée dans la politique du pays pour limiter la vie sociale des « Ivoiriens d'origine douteuse ». C'est dans ces conditions que le 23 juillet 2000, une nouvelle Constitution est adoptée par référendum, tous les partis politiques ayant appelé à voter pour. Elle stipule que seul les Ivoiriens nés de parents ivoiriens peuvent se présenter à une élection présidentielle. Une vaste « campagne d'identification », destinée à définir la véritable citoyenneté des Ivoiriens, est entamée. Cette nouvelle Constitution n'empêche pas Alassane Ouattara de se déclarer candidat à l'élection présidentielle.

    Dégradation du climat politique

    Après quatre années de dictature, le coup d'État du général Robert Guéï est légitimé par la reconnaissance du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et le Rassemblement des républicains de Côte d'Ivoire (RDR) d'Alassane Ouattara. L'échec de plusieurs tentatives de coup d’État oblige les partisans d'Alassane Ouattara au sein de l'armée à fuir au Burkina Faso.

    Les sept candidatures présentées successivement par le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), dont Henri Konan Bédié à la présidence en 2000, sont éliminées par la Cour suprême. Il en est de même pour le candidat du RDR, Alassane Ouattara, jugé non-Ivoirien. Au total, quatorze des vingt candidatures à l'élection présidentielle présentées par des partis sont rejetées par la Cour suprême. Le décompte des bulletins de vote place Robert Gueï en seconde position derrière Laurent Gbagbo le 22 octobre ; il s'autoproclame néanmoins président de la république ce qui déclenche d'importantes manifestations de la population, bientôt suivie par la gendarmerie. Les affrontements opposent la garde prétorienne du général Gueï à la population. Les premiers sont rapidement vaincus mais les affrontements se prolongent entre partisans de Ouattara et partisans de Laurent Gbagbo. Finalement, le 26 octobre, c'est Laurent Gbagboqui est proclamé président sur décision de la Commission électorale.

    L'approche des élections législatives est source de nouvelles tensions et c'est dans ces conditions que Laurent Gbagbo décrète l'état d'urgence le 4 décembre. Le 10 décembre, aux élections législatives, le FPI remporte 96 sièges sur 223, le PDCI de son côté en remporte 984. Le RDR, malgré sa décision de boycotter ces élections, compte quatre représentants au parlement élus sous la bannière « Indépendants ».

    Les élections municipales[Quand ?] se traduisent par une victoire relative pour le RDR et une victoire incontestable de la démocratie ; pour la première fois de son histoire, la Côte d'Ivoire assiste à une défaite électorale du parti au pouvoir.

    Le conflit millitaire (septembre 2002–2007)

    La rébellion

    La Côte d'Ivoire partagée: en rouge les territoires contrôlés par les rebelles, en mai 2005.

    Une tentative de coup d'État a lieu le 19 septembre 2002 de manière simultanée à Abidjan(principale ville du pays et siège du gouvernement), Bouaké (centre) et Korhogo5. Pendant ce putsch, diverses tentatives d'assassinat ont lieu contre des personnalités politiques : Alassane Ouattara et Moïse Lida Kouassi, ministre de la Défense. Le ministre de l'Intérieur Émile Boga DoudouRobert Guéï, ex-chef de l'État (19992000), et leurs gardes du corps sont assassinés. La responsabilité de cet assassinat et tentatives seraient dues au gouvernement, selon le rapport Leliel (rapport de l'ONU, voir lien en fin d'article). Les putschistes sont repoussés et se replient àBouaké. Des combats ont lieu entre rebelles et forces gouvernementales et Bouaké notamment passe de mains en mains ; des exécutions sommaires se multiplient, de chaque côté. Lors de ce coup d'État, Laurent Gbagbo était en voyage diplomatique en Italie.


    Le général Bakayoko, chef d'État-Major des Forces nouvelles de Côte d'Ivoirepassant en revue ses troupes à Odienné.

    Durant les jours qui suivent et jusqu'au mois de novembre, de nombreux syndicalistes, étudiants, opposants politiques du RDR ou des partis proches duRDR, soupçonnés d'être à l'origine de la rébellion, ou militants d'organisations communistes sont exécutés par les forces de l'ordre ou par des miliciens. Trois cent personnes au total ont ainsi été assassinées à l'automne 2002. Des centaines d'étrangers ou de personnes suspectes sont également massacrées par les FANCI ou les mercenaires libériens. Des massacres similaires ont lieu dans la zone rebelle entraînant la fuite vers le Sud d'un million d'Ivoiriens alors appelés déplacés.

    Des bombardements des hélicoptères de l'armée loyaliste font plusieurs morts dans les populations civiles en novembre et décembre 2002, notamment dans le village de pelezi à l'ouest. Dans la même période, un charnier de plusieurs dizaines de corps a été découvert aussi à Monokozoé (près de Daloa) après le passage des forces loyalistes.

    Ce coup d'État avorté à Abidjan n'est pas le signe d'une crise tribale (avec sécession) mais celui d'une crise de transition de la dictature de la période Houphouët-Boigny6 vers la démocratie avec les heurts inhérents à la définition de la citoyenneté. Les rebelles sont des soldats qui ont été exclus de l'armée ivoirienne à l'époque de Gueï et qui se sont entraînés au camp de Pô au Burkina Faso ainsi qu'au Mali7. Équipés d'armes neuves, appuyés par des combattants provenant de plusieurs pays de la région et disposant d'une importante manne financière d'origine inconnue, ils se replient sur Bouaké et tentent dans un premier temps de se faire passer pour des soldats mutinés. Devant le succès de leur opération, les populations du Nord soutiennent leur rébellion. Leur principale revendication est le départ de Laurent Gbagbo, l'obtention de la nationalité ivoirienne à tous les habitants du pays, le droit de vote et leur représentation à Abidjan. Le concept d'ivoirité et tout ce qui en découle est directement mis en cause par les rebelles. Ils s'allieront néanmoins avec les partisans de l'ivoirité : Bédié et les héritiers de Gueï.

    Un cessez-le-feu est signé en octobre 2002 mais il est aussitôt violé. L'Ouest de la Côte d'Ivoire est envahi début décembre 2002 à partir duLibéria par deux nouveaux mouvements rebelles (le MPIGO et le MJP). Ces nouveaux rebelles sont constitués principalement de troupes libériennes commandées par des éléments de la rébellion du MPCI (Kass, Adam's) et des militaires partisans de Gueï.

    Parmi les principaux dirigeants des rebelles, Guillaume Soro, leader du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), parti principal des rebelles, est issu du syndicat étudiant proche du FPI de Gbagbo mais a aussi été colistier d'une candidate RDR aux élections législatives de2000, Mme Henriette DiabatéLouis Dacoury Tabley a également été un des dirigeants du FPI.

    Intervention de la France


    Un casque blanc au Libéria en 1997.

    La France intervient le 22 septembre mais uniquement pour protéger ses ressortissants et lesoccidentaux (quelques agents américains protégeant leurs propres ressortissants) : elle refuse d'appliquer les accords bilatéraux qui devaient jouer en cas de tentative de déstabilisation7. Empêchant dans un premier temps tout secours étranger d’arriver en Côte d'Ivoire : le Nigeria avait proposé son aide, l'Angola avait proposé un appui aérien8, la France a apporté des moyens logistiques à l'armée loyaliste (armes, véhicule, matériel de communication, munitions ...). C'est donc après plusieurs échecs des FANCI que Paris ayant 2 500 militaires sur place, procède au renforcement de ses troupes et demande à la CEDEAO d'envoyer des casques blancs, de manière à internationaliser la gestion de la crise.

    Le 17 octobre, un cessez-le-feu est signé.

    Le 28 novembre, le Mouvement Populaire ivoirien du Grand Ouest (MPIGO) et le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP), deux nouveaux mouvements rebelles, prennent le contrôle des villes de Man et Danané, dans l'Ouest9. La France pousse à la négociation alors que rebelles et Gbagbo ne pensaient qu'à en découdre.

    Plusieurs raisons ont poussé la France à intervenir :

    • respect de l'accord de protection militaire en cas d'attaque étrangère ou de tentative de déstabilisation de la Côte d'Ivoire. Or, les rebelles bien qu'Ivoiriens, sont considérés par le gouvernement de Côte d'Ivoire comme des étrangers ;
    • protection des ressortissants français et occidentaux ;
    • protection des biens des ressortissants français. La moitié des PME sont détenues par des Français ;
    • éviter une tragédie comme celle du Rwanda étant intervenue tardivement pour enrayer le génocide.

    Toutes ces raisons ont poussé la France à intervenir mais elle fut très vite accusée de vouloir uniquement protéger ses intérêts et d'avoir des visées néo-colonialistes.

    La France considère que les rebelles s'insurgent contre une humiliation. Cette humiliation serait liée au fait que le Nord est désertique alors que le Sud est plus riche car fertile et côtier. La discrimination ethnique et religieuse est également un facteur de rébellion. La notion d'ivoiritécristallise le problème. Pour Laurent Gbagbo, il s'agit d'anciens militaires, soutenus par une ingérence du Burkina Faso, qui souhaite déstabiliser la région même s’il explique désormais la crise aussi par la différence de religion10.

    La principale différence d'interprétation porte sur la reconnaissance d'une cause juste à défendre. La conséquence en est que Paris souhaite la réconciliation quand le gouvernement de la Côte d'Ivoire souhaite une répression militaire.

    Les accords Kléber (dits « de Marcoussis »)

    Article détaillé : Accords Kléber.

    Pour tenter un rapprochement, les parties en conflit sont invitées par la France, à Linas-Marcoussis, à trouver un compromis pour sortir de la crise. Le 26 janvier 2003, les accords Kléber (dits « de Marcoussis »), sont signés et prévoient que :

    • le président Gbagbo est maintenu au pouvoir jusqu'à de nouvelles élections ;
    • les opposants sont invités dans un gouvernement de réconciliation et obtiennent les ministères de la Défense et de l'Intérieur ;
    • des soldats de la CEDEAO et 4 000 soldats français de l'Opération Licorne sont placés entre les belligérants pour éviter une reprise du conflit.

    Dès le 4 février, des manifestations anti-françaises ont lieu à Abidjan en soutien à Laurent Gbagbo qui déclare avoir eu la main forcée après s'être engagé solennellement à Paris à faire appliquer ces accords, unique solution à la crise. La fin de la guerre civile est proclamée le 4 juillet. Une tentative de putsch, organisée depuis la France par Ibrahim Coulibaly, est déjouée le 25 août par les services secrets français11.

    Le 27 février 2004, dans sa résolution 1528, le Conseil de sécurité des Nations unies autorise la formation de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), qui regroupe les forces françaises et celle de la CEDEAO (l'ECOMOG), pour une durée initiale de douze mois à compter du 4 avril 2004.

    Le 4 mars, le PDCI suspend sa participation au gouvernement, étant en désaccord avec le FPI (parti de Laurent Gbagbo) sur des nominations au sein d'administrations et d'entreprises publiques.

    Le 25 mars, une marche pacifique organisée pour protester contre le blocage des accords de Marcoussis, alors que les manifestations sont interdites par décret depuis le 18, est réprimée par les forces armées, épaulée par la police et les Jeunes patriotes : il y a 37 morts selon le gouvernement12, entre 300 et 500 selon le PDCI d'Henri Konan Bédié13. Cette répression provoque le retrait de plusieurs partis d'opposition du gouvernement. Le rapport de l'ONU du 3 mai révèle l'implication des hautes autorités de l'État ivoirien et estime le bilan à au moins 120 morts.

    En avril, les forces loyalistes effectuent plusieurs bombardements dans l'Ouest du pays qui tuent des civils. Le gouvernement de réconciliation nationale, composé de 44 membres à l'origine, est réduit à quinze après le limogeage de trois ministres dont Guillaume Soro, chef politique des rebelles, le 6 mai. Cela entraîne la suspension de la participation au gouvernement d'union nationale de la plupart des mouvements politiques.

    La France est dès lors dans une situation de plus en plus inconfortable, accusée par les deux camps de favoriser l'autre :

    • par les loyalistes parce qu'elle protège les rebelles et n'applique pas les accords de défense passés avec la Côte d'Ivoire ;
    • par les rebelles parce qu'elle empêche la prise d'Abidjan.

    Le 26 juin, un militaire français est tué dans son véhicule par un soldat gouvernemental près de Yamoussoukro14.

    En juillet, un sommet à Accra au Ghana rassemblé par l'ONU relance le processus de paix en donnant un nouveau calendrier.

    Les exactions et crimes commis depuis 2002

    Bien que le nord de la Côte d'Ivoire soit considéré par les rebelles comme libéré, de nombreuses exactions ont été commises un peu partout. Plusieurs charniers et fosses communes ont été trouvés par l'ONU et des organisations non gouvernementales comme Amnesty International15.

    Parallèlement à cela, les rebelles mettent à sac les banques de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) à Bouaké et àKorhogo. Bien que le butin ne soit pas connu avec précision, il est estimé à plusieurs milliards de francs CFA (un milliard de francs CFA = un million et demi d'euros). Plusieurs militaires français de l'Opération Licorne sont arrêtés pour avoir ramassé des sacs remplis de billets abandonnés par les pillards16.

    Dans la zone contrôlée par le gouvernement, de nombreux massacres d'étrangers ont eu lieu17. Les disparitions signalées aux forces de l'ordre ne donnent généralement pas lieu à des enquêtes. Tous les partis politiques d'opposition et les syndicats déplorent la disparition de plusieurs de leurs militants, disparition attribuée aux Escadrons de la mort, composés de militaires, policiers et miliciens. D'un autre côté, les détentions arbitraires et sans jugement se multiplient.

    Les viols sur les femmes adultes ou sur les enfants sont extrêmement nombreux, souvent accompagnés d'actes de barbarie, sur tout le territoire de la Côte d'Ivoire18. Les forces de police se sont rendues responsables de torture. Plusieurs communautés religieuses (notamment les musulmans) sont victimes d'exactions dans le sud du pays.

    La reprise de la guerre (depuis octobre 2004)

    Facteurs de reprise

    Le « chronogramme » des accords d' Accra III n'est pas respecté19. Les projets de lois prévus dans le processus sont bloqués par le FPI à l'Assemblée nationale. Les conditions d'éligibilité pour le scrutin présidentiel ne sont pas revues car Laurent Gbagbo décide de choisir une procédure référendaire et non la voie des ordonnances, conformément aux accords d'Accra. Devant le blocage politique, le désarmement dont le début est prévu quinze jours après ces modifications constitutionnelles ne s'engage pas à la mi-octobre.

    La tension remonte et des signes indiquent que les deux camps désirent en découdre à nouveau. Des soldats de l'ONU ouvrent le feu sur des manifestants favorables au désarmement des rebelles le 11 octobre. Les rebelles, qui ont pris le nom de Forces nouvelles (FN), annoncent le 13 octobre leur refus de se laisser désarmer. Le 28 octobre, elles décrètent l'état d'urgence dans le Nord du pays.

    L'opération Dignité

    Abidjan décide d’une contre-offensive, baptisée « opération Dignité » (parfois appelée « opération César »). Un film de propagande soutient que cette opération s'est faite avec l'accord de l'Élysée, mais sur ce point, les commentateurs politiques ne sont pas d'accord20.

    La responsabilité de la prise de décision du bombardement n’est toujours pas établie, à Abidjan on laisse entendre que ce serait le CEM Général Mangou Philippe21. Le 4 novembre, l'aviation récente des FANCI commence des bombardements sur Bouaké. Des combats opposent les forces terrestres les jours suivants mais les FANCI ne parviennent pas à percer. Au total, les Forces nouvelles annoncent la mort de 85 civils22 dans les bombardements du 4 au 6 novembre.

    Les journées des 6 au 9 novembre

    Le 6 novembre, l'aviation ivoirienne bombarde (selon le gouvernement ivoirien par erreur23) la base française de Bouaké (2e RIMARICM et515e régiment du train) faisant neuf morts et 37 blessés parmi les soldats français et un civil américain appartenant à une ONG. Les forces françaises ripostent en détruisant les deux Sukhoï ainsi que trois Mil Mi-24 et un Mil Mi-8 postés sur la base de Yamoussoukro, quinze minutes après l'attaque.

    Jacques Chirac, le président français, donne l'ordre de riposter en détruisant également tous les moyens aériens militaires ivoiriens. Cette action a pour objectif d'empêcher toute nouvelle attaque des FANCI contre les rebelles, contraire aux Accords de Marcoussis, et également d'empêcher toute nouvelle attaque contre les positions françaises.

    Une heure après l'attaque sur le camp des forces françaises, des combats éclatent entre les militaires français et ivoiriens pour le contrôle de l'aéroport d'Abidjan, essentiel pour la France de manière à établir un pont aérien.

    Dans le même temps, l'Alliance des jeunes patriotes d'Abidjan (voir Politique de la Côte d'Ivoire pour plus de détails sur les Jeunes patriotes), envoie ses troupes, attisées par les médias d'État (radio, télé mais aussi des journaux comme Le Courrier d'Abidjan ou Notre Voie), qui pillent de nombreux biens immobiliers. Des viols, des passages à tabac sont recensés, peut-être des meurtres par les Jeunes patriotes, qui exposent explicitement leur idéologie raciste. D'après la CCI d'Abidjan, les entreprises détenues par des Français, des Occidentaux, des Libanais ou des Ivoiriens ont été détruites ; les témoignages d'entrepreneurs ivoiriens ou libanais restés sur place s'accordent pour décrire des « pillages planifiés, ciblés et encadrés » et préciser que des militaires y participaient (Pierre Daniel, dirigeant du Mouvement des PME). Les médias d'opposition ou indépendants sont mis à sac. Plusieurs centaines d'Occidentaux, principalement des Français, se réfugient sur les toits de leurs immeubles pour échapper à la foule, ils sont alors évacués par des hélicoptères de l'armée française.

    Les militaires français, assiégés par une foule non-armée devant l'Hôtel Ivoire, ont ouvert le feu sur elle (déclaration du chef d'état-majorBentégeat, le soir du 7 novembre). Ces tirs auraient fait une soixantaine de morts et plus d’un millier de blessés24, Tags :

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